Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

à son propre système, et sûrement aucune autre main ne sauroit manier la massue qui est retombée sur sa tête.

En 1814, les François sembloient plus faciles à gouverner qu’à aucune autre époque de la révolution ; car ils étoient assoupis par le despotisme, et lassés des agitations auxquelles le caractère inquiet de leur maître les avoit condamnés. Mais, loin de croire à cet engourdissement trompeur, il auroit fallu, pour ainsi dire, les prier de vouloir être libres, afin que la nation pût servir d’appui à l’autorité royale contre l’armée. Il importoit de remplacer l’enthousiasme militaire par les intérêts politiques, afin de donner un aliment à l’esprit public, qui en a toujours besoin en France. Mais, de tous les jougs le plus impossible à rétablir, c’étoit l’ancien ; et l’on doit, avant tout, se garder de ce qui le rappelle. Il y a peu de François qui sachent encore très-bien ce que c’est que la liberté ; et, certes, Bonaparte ne leur a pas appris à s’y connaître : mais toutes les institutions qui pourroient blesser l’égalité, produisent en France la même fermentation que le retour du papisme causoit autrefois en Angleterre.