Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

science. La noble minorité du sénat, Cabanis, Tracy, Lanjuinais, Boissy d’Anglas, Volney, Collaud, Chollet, etc., avoit bien prouvé, depuis quelques années, qu’une résistance passive étoit possible.

Les sénateurs, parmi lesquels il y avoit plusieurs membres de la convention, demandèrent le retour de l’ancienne dynastie, et M. de Talleyrand s’est vanté, dans cette occasion, d’avoir fait crier vive le roi à ceux qui avoient voté la mort de son frère Mais que pouvoit-on attendre de ce tour d’adresse ? et n’y auroit-il pas eu plus de dignité à ne pas mêler ces hommes dans une telle délibération ? Faut-il tromper même des coupables ? et s’ils sont assez courbés par la servitude pour tendre la tête a la proscription, à quoi bon se servir d’eux ? Enfin, ce fut encore ce sénat qui rédigea la constitution que l’on devoit présenter à l’acceptation de Louis XVIII ; et dans ces articles si essentiels à la liberté de la France, M. de Talleyrand, tout-puissant alors, laissa mettre la plus ridicule des conditions, celle qui devoit infirmer toutes les autres : les sénateurs se déclarèrent héréditaires et leurs pensions avec eux. Certes, que des hommes haïs et ruinés s’efforcent maladroitement d’assurer leur existence,