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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

l’habileté, et peut-être en faut-il en effet pour louvoyer ainsi jusqu’à la fin d’une vie mortelle : mais le sort des états doit être conduit par des hommes dont les principes soient invariables ; et, dans les temps de troubles surtout, la flexibilité, qui semble le comble de l’art, plonge les affaires publiques dans des difficultés insurmontables. Quoi qu’il en soit, M. de Talleyrand est, quand il veut plaire, l’homme le plus aimable que l’ancien régime ait produit ; c’est le hasard qui l’a placé dans les dissensions populaires ; il y a porté les manières des cours ; et cette grâce, qui devoit être suspecte à l’esprit de démocratie, a séduit souvent des hommes d’une grossière nature, qui se sentoient pris sans savoir par quels moyens. Les nations qui veulent être libres, doivent se garder de choisir de tels défenseurs : ces pauvres nations, sans armées et sans trésors, n’inspirent de dévouement qu’à la conscience.

C’étoit un grand événement pour le monde que le gouvernement proclamé dans Paris par les armées victorieuses de l’Europe ; quel qu’il fût, on ne sauroit se le dissimuler, les circonstances qui l’amenoient rendoient sa position très-difficile : aucun peuple doué de quelque fierté ne peut supporter l’intervention des étrangers