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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

dans l’hiver de 1814, est généralement reconnue pour très-belle ; et ceux même des François qu’il avoit proscrits pour toujours, ne pouvoient s’empêcher de souhaiter qu’il parvînt à sauver l’indépendance de leur pays. Quelle combinaison funeste, et dont l’histoire ne présente point d’exemple ! Un despote défendoit alors la cause de la liberté, en essayant de repousser les étrangers que son ambition avoit attirés sur le sol de la France ! Il ne méritoit pas du ciel l’honneur de réparer le mal qu’il avoit fait. La nation françoise demeura neutre dans le grand débat qui décidoit de son sort ; cette nation si vive, si véhémente jadis, étoit réduite en poussière par quinze ans de tyrannie. Ceux qui connaissoient le pays savoient bien qu’il restoit de la vie au fond de ces âmes paralysées, et de l’union au milieu de l’apparente diversité que le mécontentement faisoit naître. Mais on eût dit que, pendant son règne, Bonaparte avoit couvert les yeux de la France, comme ceux d’un faucon que l’on tient dans les ténèbres jusqu’à ce qu’on le lâche sur sa proie. On ne savoit où étoit la patrie ; on ne vouloit plus ni de Bonaparte ni d’aucun des gouvernemens dont on prononçoit le nom. Les ménagemens mêmes des puissances euro-