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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Suède n’étoit intéressée qu’à la délivrance de l’Allemagne ; l’assujettissement de la France même est contraire à la sûreté des États du Nord. Il étoit donc permis au général Bernadotte de s’arrêter à l’aspect des frontières de son ancienne patrie ; de ne pas porter les armes contre le pays auquel il devoit tout l’éclat de son existence. On a prétendu qu’il avoit eu l’ambition de succéder à Bonaparte ; nul ne sait ce qu’un homme ardent peut rêver en fait de gloire ; mais ce qui est certain, c’est qu’en ne rejoignant pas les alliés avec ses troupes, il s’ôtoit toute chance de succès par eux. Bernadotte a donc uniquement obéi dans cette circonstance à un sentiment honorable, sans pouvoir se flatter d’en retirer aucun avantage personnel.

Une anecdote singulière mérite d’être rapportée à l’occasion du prince de Suède. Loin que Napoléon eût souhaité qu’il fût choisi par la nation suédoise, il en étoit très-mécontent, et Bernadotte avoit raison de craindre qu’il ne le laissât pas sortir de France. Bernadotte a beaucoup de hardiesse à la guerre, mais il est prudent dans tout ce qui tient à la politique ; et sachant très-bien sonder le terrain, il ne marche avec force que vers le but dont la fortune lui ouvre la route. Depuis plusieurs années, il s’étoit adroite-