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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pagnons d’armes qu’un honneur et un devoir réunissoient ; mais depuis que les progrès de l’esprit humain ont créé les nations, c’est-à-dire, depuis que tous les hommes participent de quelque manière aux mêmes avantages, que feroit-on de l’espèce humaine sans le sentiment de la liberté ? Pourquoi le patriotisme françois commenceroit-il à telle frontière et s’arrêteroit-il à telle autre, s’il n’y avoit pas dans cette enceinte des espérances, des jouissances, une émulation, une sécurité, qui font aimer son pays natal par l’âme autant que par l’habitude ? Pourquoi le nom de France causeroit-il une invincible émotion, s’il n’y avoit d’autres liens entre les habitans de cette belle contrée que les priviléges des uns et l’asservissement des autres ?

Partout où vous rencontrez du respect pour la nature humaine, de l’affection pour ses semblables, et cette énergie d’indépendance qui sait résister à tout sur la terre, et ne se prosterner que devant Dieu, là vous voyez l’homme image de son Créateur, là vous sentez au fond de l’âme un attendrissement si intime qu’il ne peut vous tromper sur la vérité. Et vous, nobles françois, pour qui l’honneur étoit la liberté ; vous qui, par une longue transmission