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CONSIDÉRATIONS

veloppoit pas dans les cœurs ? Qui seroit fier d’être François, si l’on avoit vu la liberté détruite par la tyrannie, la tyrannie brisée par les étrangers, et que les lauriers de la guerre ne fussent pas au moins honorés par la conquête de la liberté ? Il ne s’agiroit plus que de voir lutter l’un contre l’autre l’égoïsme des privilégiés par la naissance et l’égoïsme des privilégiés par les événements. Mais la France, où seroit-elle ? Qui pourroit se vanter de l’avoir servie, puisque rien ne resteroit dans les cœurs, ni des temps passés, ne de la réforme nouvelle ?

La liberté ! répétons son nom avec d’autant plus de force, que les hommes qui devroient au moins le prononcer comme excuse, l’éloignent par flatterie ; répétons-le sans crainte de blesser aucune puissance respectable : car tout ce que nous aimons, tout ce que nous honorons y est compris. Rien que la liberté ne peut remuer l’âme dans les rapports de l’ordre social. Les réunions d’hommes ne seroient que des associations de commerce ou d’agriculture, si la vie du patriotisme n’excitoit pas les individus à se sacrifier à leurs semblables. La chevalerie étoit une confrérie guerrière qui satisfaisoit au besoin de dévouement qu’éprouvent tous les cœurs généreux. Les nobles étoient des com-