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CONSIDÉRATIONS

faite au nom de la philosophie, on en a conclu qu’il falloit être athée pour aimer la liberté. Certes, ce n’est que parce que les François n’ont pas uni la religion à la liberté, que leur révolution a sitôt dévié de sa direction primitive. Il se pouvoit que de certains dogmes de l’Église catholique ne s’accordassent pas avec les principes de la liberté ; l’obéissance passive au pape étoit aussi peu soutenable que l’obéissance passive au roi. Mais le christianisme a véritablement apporté la liberté sur cette terre, la justice envers les opprimés, le respect pour les malheureux, enfin l’égalité devant Dieu, dont l’égalité devant la loi n’est qu’une image imparfaite. C’est par une confusion volontaire chez quelques-uns, aveugle chez quelques autres, qu’on a voulu faire considérer les priviléges de la noblesse et le pouvoir absolu du trône comme des dogmes de la religion. Les formes de l’organisation sociale ne peuvent toucher à la religion que par leur influence sur le maintien de la justice envers tous, et de la morale de chacun ; le reste appartient à la science de ce monde.

Il est temps que vingt-cinq années, dont quinze appartiennent au despotisme militaire, ne se placent plus comme un fantôme entre