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CONSIDÉRATIONS

disent-ils. Ah ! j’en connois qui pourroient aussi parler de cette contrainte, et qui cependant y ont échappé. Mais, puisque vous vous y êtes laissé forcer, trouvez bon que l’on veuille vous donner une constitution libre, où l’empire de la loi soit tel, qu’on n’exige rien de mal de vous : car vous êtes en danger, ce me semble, de céder beaucoup aux circonstances. Ils pourroient plutôt, ceux que la nature a faits résistans, ne pas redouter le despotisme ; mais vous qu’il a si bien courbés, souhaitez donc que dans aucun temps, sous aucun prince, sous aucune forme, il ne puisse jamais vous atteindre.

Les épicuriens de nos jours voudroient que les lumières améliorassent l’existence physique sans exciter le développement intellectuel ; ils voudroient que le tiers état eût travaillé à rendre la vie sociale plus douce et plus facile, sans vouloir profiter des avantages qu’il a conquis pour tous. On savoit vivre durement autrefois, et les rapports de la société étoient aussi beaucoup plus simples et plus fixes. Mais aujourd’hui que le commerce a tout multiplié, si vous ne donnez pas de motifs d’émulation au talent, c’est le goût de l’argent qui prendra sa place. Vous ne relèverez pas les