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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

terre. En politique surtout, comme il y a lieu au fanatisme aussi bien qu’à la mauvaise foi, au dévouement aussi bien qu’à l’intérêt personnel, on est sujet à des erreurs funestes, quand on n’a pas une certaine force d’esprit et d’âme. Si le lendemain de la mort de Charles Ier, un Anglois, maudissant avec raison ce forfait, eût demandé au ciel qu’il n’y eût jamais de liberté en Angleterre, certainement on auroit pu s’intéresser à ce mouvement d’un bon cœur, qui, dans son émotion, confondoit tous les prétextes d’un grand crime avec le crime lui-même, et auroit proscrit, s’il l’avoit pu, jusqu’au soleil qui s’étoit levé ce jour-là comme de coutume. Mais, si cette prière irréfléchie avoit été exaucée, l’Angleterre ne serviroit pas d’exemple au monde aujourd’hui, la monarchie universelle de Bonaparte pèseroit sur l’Europe, car l’Europe eût été hors d’état de s’affranchir sans le secours de cette nation libre. De tels argumens et bien d’autres pourroient être adressés à des personnes dont les préjugés mêmes méritent des égards, parce qu’ils naissent des affections du cœur. Mais que dire à ceux qui traitent de jacobins les amis de la liberté, quand eux-mêmes ont servi d’instrumens au pouvoir impérial ? Nous y étions forcés,