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CONSIDÉRATIONS

mais ils n’ont plus la grâce qui faisoit pardonner cette frivolité même.

Après les horreurs dont on a été témoin, disent-ils, personne ne veut plus entendre parler de liberté. Si des caractères sensibles se laissoient aller à une haine involontaire et nerveuse, car on pourroit la nommer ainsi, puisqu’elle tient à de certains souvenirs, à de certaines associations de terreur qu’on ne peut vaincre, on leur dirait, ainsi qu’un poète de nos jours : Qu’il ne faut pas forcer la liberté à se poignarder comme Lucrèce, parce qu’elle a été profanée. On leur rappelleroit que la Saint-Barthélemi n’a pas fait proscrire le catholicisme. On leur diroit enfin que le sort des vérités ne peut dépendre des hommes qui mettent telle ou telle devise sur leur bannière, et que le bon sens a été donné à chaque individu, pour juger des choses en elles-mêmes, et non d’après des circonstances accidentelles. Les coupables, de tout temps, ont tâché de se servir d’un généreux prétexte, pour excuser de mauvaises actions ; il n’existe presque pas de crimes dans le monde que leurs auteurs n’aient attribués à l’honneur, à la religion, ou à la liberté. Il ne s’ensuit pas, je pense, qu’il faille pour cela proscrire tout ce qu’il y a de beau sur la