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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

goût de s’occuper de politique. Eh ! juste ciel ! à quoi donc penseront-ils, ces jeunes gens élevés sous le régime de Bonaparte, seulement pour aller se battre, sans aucune instruction, sans aucun intérêt pour la littérature et les beaux-arts ? Puisqu’ils ne peuvent avoir ni une idée nouvelle, ni un jugement sain sur de tels sujets, au moins ils seroient des hommes, s’ils s’occupoient de leur pays, s’ils se croyoient citoyens, si leur vie étoit utile de quelque manière. Mais que veulent-ils mettre à la place de la politique, qu’ils se donnent les airs de proscrire ? quelques heures passées dans l’antichambre des ministres, pour obtenir des places qu’ils ne sont pas en état de remplir ; quelques propos dans les salons, au-dessous même de l’esprit des femmes les plus légères auxquelles ils les adressent. Quand ils se faisoient tuer, cela pouvoit aller encore, parce qu’il y a toujours de la grandeur dans le courage ; mais dans un pays qui, Dieu merci, sera en paix, ne savoir être qu’une seconde fois chambellan, et ne pouvoir prêter ni lumières, ni dignités à sa patrie, c’est là ce qui est vraiment de mauvais goût. Le temps est passé où les jeunes François pouvoient donner le ton à tous égards. Ils ont bien encore, il est vrai, la frivolité de jadis,