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CONSIDÉRATIONS

des choses amèneront la liberté en France, mais ce ne sera certainement pas la nation qui se montrera d’elle-même factieuse ni turbulente.

Quand depuis tant de siècles toutes les âmes généreuses ont aimé la liberté ; quand les plus grandes actions ont été inspirées par elle ; quand l’antiquité et l’histoire des temps modernes nous offrent tant de prodiges opérés par l’esprit public ; quand nous venons de voir ce que peuvent les nations ; quand tout ce qu’il y a de penseurs parmi les écrivains a proclamé la liberté ; quand on ne peut pas citer un ouvrage politique d’une réputation durable qui ne soit animé par ce sentiment ; quand les beaux-arts, la poésie, les chefs-d’œuvre du théâtre, destinés à émouvoir le cœur humain, exaltent la liberté ; que dire de ces petits hommes à grande fatuité, qui vous déclarent avec un accent fade et maniéré comme tout leur être, qu’il est de bien mauvais goût de s’occuper de politique ; qu’après les horreurs dont on a été témoin, personne ne se soucie plus de la liberté ; que les élections populaires sont une institution tout-à-fait grossière ; que le peuple choisit toujours mal, et que les gens comme il faut ne sont pas faits pour aller, comme en Angleterre, se mêler avec le peuple ? Il est de mauvais