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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ses que vous me décrivez convient mieux que le gouvernement de Perse à la durée et au bonheur de votre empire ; mais il me semble beaucoup moins favorable aux jouissances du monarque. » C’étoit très-bien poser la question ; excepté que, même pour le monarque, il vaut mieux être guidé par l’opinion dans la direction des affaires publiques, que de courir sans cesse le risque d’être en opposition avec elle. La justice est l’égide de tous et de chacun ; mais en sa qualité de justice cependant, c’est le grand nombre qu’elle doit protéger.

Il nous reste à parler de ceux que les malheurs et les crimes de la révolution de France ont effrayés, et qui fuient d’un extrême à l’autre, comme si le pouvoir arbitraire d’un seul étoit l’unique préservatif certain contre la démagogie. C’est ainsi qu’ils ont élevé la tyrannie de Bonaparte ; et c’est ainsi qu’ils rendroient Louis XVIII despote, si sa haute sagesse ne l’en défendoit pas. La tyrannie est une parvenue, et le despotisme un grand seigneur ; mais l’une et l’autre offensent également la raison humaine. Après avoir vu la servilité avec laquelle Bonaparte a été obéi, on a peine à concevoir que ce soit l’esprit républicain que l’on craigne en France. Les lumières et la nature