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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

semble que l’idée de leurs pères s’unisse toujours à celle du passé ; mais ce sentiment noble et pur conduit-il à rétablir la torture, la roue, l’inquisition, parce que, dans les siècles éloignés, de telles abominations étoient l’œuvre des mœurs barbares ? Peut-on soutenir ce qui est absurde et criminel, parce que l’absurde et le crime ont existé ? Nos pères n’ont-ils pas été coupables envers les leurs, quand ils ont adopté le christianisme et détruit l’esclavage ? Songez que moins on s’écarte des routes battues, plus on est en sûreté, dit monseigneur l’évêque de Troyes : mais pour que ces routes soient devenues des routes battues, il a fallu passer de l’antiquité à des temps plus rapprochés ; et nous voulons maintenant profiter des lumières de nos jours pour que la postérité ait aussi une antiquité qui vienne de nous, mais qu’elle pourra changer à son tour, si la Providence continue à protéger, comme elle l’a fait, les progrès de l’esprit humain dans toutes les directions.

Je ne me serois pas arrêtée si long-temps à l’écrit de l’évêque de Troyes, s’il ne renfermoit la quintessence de tout ce qu’on publie chaque jour en France. Le bon sens en réchappera-t-il ? Et, ce qui est pis encore, le sentiment reli-