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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pour ce qui est juste, soit né dans son cœur, comme une fleur du ciel, au milieu de tant d’obstacles ?

J’ai eu l’honneur de causer plusieurs fois avec l’empereur Alexandre, à Saint-Pétersbourg et à Paris, au moment de ses revers, au moment de son triomphe. Également simple, également calme dans l’une et l’autre situation, son esprit fin, juste et sage, ne s’est jamais démenti. Sa conversation n’a point de rapport avec ce qu’on appelle d’ordinaire une conversation officielle ; nulle question insignifiante, nul embarras réciproque, ne condamnent ceux qui l’approchent à ces propos chinois, s’il est permis de s’exprimer ainsi, qui ressemblent plutôt à des révérences qu’à des paroles. L’amour de l’humanité inspire à l’empereur Alexandre le besoin de connaître le véritable sentiment des autres, et de traiter avec ceux qu’il en croit dignes, les grandes vues qui peuvent tendre aux progrès de l’ordre social. À sa première entrée à Paris, il s’est entretenu avec des François de diverses opinions, en homme qui peut se mesurer à découvert avec les autres hommes.

Sa conduite à la guerre est aussi valeureuse qu’humaine, et de toutes les vies il n’y a que la sienne qu’il expose sans réflexion. L’on at-