Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
366
CONSIDÉRATIONS

vision ; la seule à laquelle aucune faction ne sauroit toucher, et contre laquelle aucune rébellion ne sauroit prévaloir ; contre laquelle enfin ne peuvent rien ni les peuples, ni les rois, ni les maîtres, ni les sujets ; toute puissance vient de Dieu ; et qui résiste à la puissance résiste à Dieu même. » Peut-on, en peu de paroles, rassembler plus d’erreurs funestes et de calculs serviles ? Ainsi Néron et Robespierre, ainsi Louis XI et Charles IX, les plus sanguinaires des hommes, devroient être obéis, si celui qui résiste à la puissance résiste à Dieu même ! Les nations ou leurs représentans sont le seul pouvoir qu’il faille excepter de ce respect implicite pour l’autorité. Quand deux partis dans l’état luttent ensemble, comment saisir le moment où l’un des deux devient sacré, c’est-à-dire le plus fort ? Ils avoient donc tort, les François qui n’ont pas quitté le roi pendant vingt-cinq ans d’exil ! car, certes, dans ce temps c’étoit à Bonaparte qu’on ne pouvoit contester le droit que monseigneur l’évêque de Troyes proclame, celui de la puissance. Dans quelles absurdités tombent les écrivains qui veulent mettre en théories, en dogmes, en maximes, leurs intérêts de chaque jour ! En vérité, le glaive déprave beaucoup moins que la parole, lorsqu’on en fait un tel