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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

progrès. Rien ne se ressemble moins que l’Allemagne et la France. Il y a un esprit de méthode dans les gouvernemens germaniques, qui diminue de beaucoup l’ascendant irrégulier des cours. On n’y voit point de coteries, de maîtresses, de favoris, ni même de ministres qui puissent changer l’ordre des choses ; la littérature va son chemin sans flatter personne ; la bonne foi du caractère et la profondeur des études sont telles, que, dans les troubles civils mêmes, il seroit impossible de forcer un écrivain allemand à ces tours de passe-passe qui ont fait dire avec raison, en France, que le papier souffre tout, tant on exige de lui. « Vous avouez donc, me dira-t-on, que le caractère françois a des défauts invincibles qui s’opposent aux lumières comme aux vertus dont la liberté ne sauroit se passer ? » Nullement : je dis qu’un gouvernement arbitraire, mobile, capricieux, instable, plein de préjugés et de superstitions à quelques égards, de frivolité et d’immoralité à d’autres, que ce gouvernement, comme il a existé autrefois en France, n’avoit laissé de connoissances, d’esprit et d’énergie, qu’à ses opposans; et s’il est impossible qu’un tel ordre de choses s’accorde avec le progrès des lumières, il est encore plus certain qu’il est inconciliable avec la pureté des mœurs et la di-