Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
351
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

sottise et de l’esprit tout ensemble ; car ce mélange est nécessaire pour réussir dans les intrigues de cour. Or, en France, de rang en rang, il y a toujours eu des cours, c’est-à-dire, des maisons où l’on distribuoit une certaine quantité de crédit à l’usage de ceux qui vouloient de l’argent et des places. Les flatteurs du pouvoir, depuis le commis jusqu’aux chambellans, ont pris cette flexibilité de langage, cette facilité à tout dire comme à tout cacher, ce ton tranchant dans le sens de la force, cette condescendance pour la mode du jour, comme pour une puissance, qui ont fait croire à la légèreté dont on accuse les François, et cependant cette légèreté ne se trouve que dans l’essaim des hommes qui bourdonnent autour du pouvoir. Il faut qu’ils soient légers pour changer rapidement de parti ; il faut qu’ils soient légers, pour n’entrer à fond dans aucune étude ; car autrement il leur en coûteroit trop de dire le contraire de ce qu’ils auroient sérieusement appris ; en ignorant beaucoup, on affirme tout plus facilement. Il faut qu’ils soient légers enfin, pour prodiguer, depuis la démocratie jusqu’à la légitimité, depuis la république jusqu’au despotisme militaire, toutes les phrases les plus opposées par le sens, mais qui se res-