Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
350
CONSIDÉRATIONS

restés enfermés dans leurs cours. Il faut se borner inévitablement dans les conversations au beau temps, à la chasse, à ce qu’on a bu la veille, à ce qu’on mangera le lendemain, enfin à tout ce qui n’a de sens ni d’intérêt pour personne. Quelle école cependant pour l’esprit et pour le caractère ! Quel triste spectacle, qu’un vieux courtisan qui a passé de longues années dans l’habitude d’étouffer tous ses sentimens, de dissimuler ses opinions, d’attendre le souffle d’un prince pour respirer, et son signe pour se mouvoir ! De tels hommes finissent par gâter le plus beau des sentimens, le respect pour l’âge avancé, quand on les voit courbés par l’habitude des révérences, ridés par les faux sourires, pâles d’ennui plus encore que de vieillesse, et se tenant debout des heures entières sur leurs jambes tremblantes, dans ces salons antichambres où s’asseoir à quatre-vingts ans paroîtroit presque une révolte. On aime mieux dans ce métier les jeunes gens étourdis et fats qui savent manier avec hardiesse la flatterie envers leur maître, l’arrogance envers leurs inférieurs, et qui méprisent l’espèce humaine, au-dessus comme au-dessous d’eux. Ils s’en vont ainsi, ne se confiant qu’en leur propre mérite, jusqu’à ce qu’une disgrâce les réveille de l’enivrement de la