Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
347
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

chances de l’hérédité ; mais les rois les plus éclairés, s’ils sont absolus, ne sauraient, quand ils le voudroient, encourager dans leur nation la force et la dignité du caractère. Dieu et la loi peuvent seuls commander en maîtres à l’homme sans l’avilir.

Se représente-t-on comment des ministres tels que lord Chatham, M. Pitt, M. Fox, auroient été supportés par les princes qui ont nommé le cardinal Dubois ou le cardinal de Fleury ? Les grands hommes de l’histoire de France, les Guise, Coligny, Henri IV, se sont formés dans les temps de troubles, parce que ces troubles, malheureux d’ailleurs, empêchoient l’action étouffante du despotisme, et donnoient à quelques individus une grande importance. Mais il n’y a que l’Angleterre où la vie politique soit régularisée de telle manière que, sans agiter l’état, le génie et la grandeur d’âme puissent naître et se montrer. Depuis Louis XIV jusqu’à Louis XVI, un demi-siècle s’est écoulé, véritable modèle de ce qu’on appelle le gouvernement arbitraire, quand on veut le représenter sous les plus douces couleurs. Il n’y avoit pas de tyrannie, parce que les moyens manquoient pour l’établir ; mais on ne pouvoit dérober quelque li-