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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pas, dit-on, des despotismes éclairés, des despotismes modérés ? Toutes ces épithètes, avec lesquelles on se flatte de faire illusion sur le mot auquel on les adjoint, ne peuvent donner le change aux hommes de bon sens. Il faut, dans un pays comme la France, détruire les lumières, si l’on ne veut pas que les principes de liberté renaissent. Pendant le règne de Bonaparte, et depuis, on a imaginé un troisième moyen ; c’est de faire servir l’imprimerie à l’oppression de la liberté, en n’en permettant l’usage qu’à de certains écrivains, chargés de commenter toutes les erreurs avec d’autant plus d’impudence qu’il est interdit de leur répondre. C’est consacrer l’art d’écrire à la destruction de la pensée, et la publicité même aux ténèbres ; mais cette espèce de jonglerie ne sauroit subsister longtemps. Quand on veut commander sans loi, il ne faut s’appuyer que sur la force, et non sur des argumens ; car, bien qu’il soit défendu de les réfuter, la fausseté palpable de ces argumens donne envie de les combattre ; et, pour bien faire taire les hommes, le mieux est encore de ne pas leur parler.

Certainement il seroit injuste de ne pas reconnaître que plusieurs souverains, en possession du pouvoir arbitraire, ont su en user avec