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CONSIDÉRATIONS

me une preuve que les monarchies absolues peuvent au moins être favorables aux progrès de la littérature. Les lettres, du temps d’Auguste, n’étoient guère qu’un art libéral, étranger aux intérêts politiques. Sous Élisabeth, la réforme religieuse excitoit les esprits à tous les genres de développemens, et le pouvoir les favorisoit d’autant plus, que sa force consistoit dans l’établissement même de cette réforme. Les progrès littéraires de la France, sous Louis XIV, comme nous l’avons déjà dit dans le commencement de cet ouvrage, ont été causés par le développement intellectuel que les guerres civiles avoient excité. Ces progrès ont conduit à la littérature du dix-huitième siècle ; et, loin qu’on puisse attribuer au gouvernement de Louis XV les chefs-d’œuvre de l’esprit humain qui ont paru à cette époque, il faut les considérer presque tous comme des attaques contre ce gouvernement. Le despotisme donc, s’il entend bien ses intérêts, n’encouragera pas les lettres, car les lettres mènent à penser, et la pensée juge le despotisme. Bonaparte a dirigé les esprits vers les succès militaires ; il avoit parfaitement raison selon son but : il n’y a que deux genres d’auxiliaires pour l’autorité absolue ; ce sont les prêtres ou les soldats. Mais n’y a-t-il