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CONSIDÉRATIONS

leurs sacrifices, tandis que le tiers état doit nécessairement trouver son intérêt particulier dans l’intérêt général. Enfin, ils ont à supporter tous les jours l’inimitié de leur classe, quelquefois même de leur famille. On leur dit qu’ils sont traîtres à leur ordre, parce qu’ils sont fidèles à la patrie, tandis que les hommes de l’extrême opposé, les démocrates sans frein de raison, ni de morale, les ont persécutés comme des ennemis de la liberté, en ne considérant que leurs priviléges, et en ne croyant pas, quoique bien à tort, à la sincérité du renoncement. Ces illustres citoyens, qui se sont volontairement exposés à tant d’épreuves, sont les meilleurs gardiens de la liberté sur lesquels un état puisse compter ; et il faudroit créer pour eux une chambre des pairs, quand la nécessité de cette institution, dans une monarchie constitutionnelle, ne seroit pas reconnue jusqu’à l’évidence.

« Aucun genre d’assemblée délibérante, soit démocratique, soit héréditaire, ne peut réussir en France. Les François ont trop d’envie de briller ; et le besoin de faire effet les porte toujours d’un extrême à l’autre. Il suffit donc, disent certains hommes qui se font tuteurs de la nation, pour la déclarer en minorité perpétuelle ; il suffit à la France d’états provinciaux,