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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

lumières actuelles et les intérêts héréditaires ; entre la nation presque entière et les privilégiés appuyés par les puissances européennes.

Le roi d’Angleterre jouit d’un pouvoir plus que suffisant pour un homme qui veut faire le bien, et j’ai de la peine à concevoir comment la religion même n’inspire pas aux princes des scrupules sur l’usage d’une autorité sans bornes : l’orgueil l’emporte en cette occasion sur la vertu. Quant à l’argument très-usé de l’impossibilité d’être libre dans un état continental, où l’on doit conserver une nombreuse armée de ligne, les mêmes gens qui le répètent sans cesse sont prêts à citer l’Angleterre en sens inverse, et à dire que là maintenant l’armée de ligne n’est pas dangereuse pour la liberté. C’est une chose inouïe que la diversité des raisonnemens de ceux qui renoncent à tous les principes : ils se servent des circonstances, quand la théorie est contre eux, de la théorie, quand les circonstances démontrent leurs erreurs ; enfin ils se replient avec une souplesse qui ne sauroit échapper au grand jour de la discussion, mais qui peut égarer les esprits, quand il n’est permis ni de faire taire les sophistes, ni de leur répondre. Si l’armée de ligne donne plus de pouvoir aux rois de France