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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

sans lesquels la société n’auroit aucun but que la raison pût s’expliquer.

Néanmoins, la liberté angloise échappera-t-elle à cette action du temps, qui a tout dévoré sur la terre ? La prévision humaine ne sauroit pénétrer dans un avenir éloigné : cependant on voit dans l’histoire les républiques renversées par des empires conquérans, ou se détruisant elles-mêmes par leurs propres conquêtes ; on voit les peuples du Nord s’emparer des états du midi, parce que ces états tomboient en décadence, et que d’ailleurs le besoin de la civilisation portoit avec violence une partie des habitans de l’Europe vers les contrées méridionales ; partout on a vu les nations périr faute d’esprit national, faute de lumières, et surtout à cause des préjugés qui, en soumettant la plus nombreuse partie d’un peuple à l’esclavage, au servage ou à toute autre injustice, la rendoient étrangère au pays qu’elle pouvoit seule défendre. Mais dans l’état actuel de l’ordre social en Angleterre, après un siècle de durée des institutions qui ont formé la nation la plus religieuse, la plus morale et la plus éclairée dont l’Europe puisse se vanter, je ne concevrais pas de quelle manière la prospérité du pays, c’est-à-dire, sa