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CONSIDÉRATIONS

les finances avoient pour base la liberté, c’est parce que les représentans de la nation prêtoient leur force au gouvernement, que le levier qui a soulevé le monde a pu trouver son point d’appui dans une île moins considérable qu’aucun des pays auxquels elle prêtoit ses secours. Faites de ce pays un camp, et bientôt après une cour, et vous verrez sa misère et son abaissement. Mais le danger que l’histoire signale à chaque page pourroit-il n’être pas prévu, n’être pas repoussé par les premiers penseurs de l’Europe, que la nature du gouvernement anglois appelle à se mêler des affaires publiques ? La gloire militaire, sans doute, est la seule séduction redoutable pour des hommes énergiques ; mais comme il y a une énergie bien supérieure à celle du métier des armes, l’amour de la liberté, et que cet amour inspire tout à la fois le plus haut degré de valeur quand la patrie est exposée, et le plus grand dédain pour l’esprit soldatesque aux ordres d’une diplomatie perfide, on doit espérer que le bon sens du peuple anglois et les lumières de ses représentans sauveront la liberté du seul ennemi dont elle ait à se préserver : la guerre continuelle, et l’esprit militaire qu’elle amène à sa suite.