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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

véritable paix qui ne se signe pas, mais qui s’établit dans les esprits et dans les cœurs. Malheureusement le parti de l’opposition s’étoit mépris en soutenant Bonaparte. Il auroit été plus naturel que son système despotique fût défendu par les amis du pouvoir, et combattu par les amis de la liberté. Mais la question s’est embrouillée en Angleterre comme partout ailleurs. Les partisans des principes de la révolution ont cru devoir soutenir une tyrannie viagère, pour prévenir en divers lieux le retour de despotismes plus durables. Mais ils n’ont pas vu qu’un genre de pouvoir absolu fraye le chemin à tous les autres, et qu’en redonnant aux François les mœurs de la servitude, Bonaparte a détruit l’énergie de l’esprit public. Une particularité de la constitution angloise dont nous avons déjà parlé, c’est la nécessité dans laquelle l’opposition se croit, de combattre toujours le ministère, sur tous les terrains possibles. Mais il falloit renoncer à cet usage, applicable seulement aux circonstances ordinaires, dans un moment où le débat étoit tellement national que le salut du pays même dépendoit de son issue. L’opposition devoit se réunir franchement au gouvernement contre Bonaparte ; car en le combattant, comme il l’a fait,