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CONSIDÉRATIONS

Enfin, que dira la postérité de la conduite récente du ministère anglois envers la France ? Je l’avouerai, je ne puis approcher de ce sujet sans qu’un tremblement intérieur me saisisse ; et cependant s’il fallait, je ne craindrai point de le dire, qu’une des deux nations, l’Angleterre ou la France, fût anéantie, il vaudroit mieux que celle qui a cent ans de liberté, cent ans de lumières, cent ans de vertus, conservât le dépôt que la Providence lui a confié. Mais cette alternative cruelle existoit-elle ? Et comment une rivalité de tant de siècles n’a-t-elle pas fait au gouvernement anglois un devoir de chevalerie autant que de justice, de ne pas opprimer cette France qui, luttant avec l’Angleterre pendant tout le cours de leur commune histoire, animoit ses efforts par une jalousie généreuse ? Le parti de l’opposition a été de tout temps plus libéral et plus instruit sur les affaires du continent que le parti ministériel. Il devoit donc naturellement être chargé de la paix. D’ailleurs, il étoit reçu en Angleterre que la paix ne doit pas être signée par les mêmes ministres qui ont dirigé la guerre On avoit senti que l’irritation contre les ennemis, qui sert à conduire la guerre avec vigueur, fait abuser de la victoire ; et cette façon de voir est aussi juste que favorable à la