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CONSIDÉRATIONS

craignant une diminution dans leurs revenus, les défendoient au nom du salut de l’état. Néanmoins, quand l’Angleterre prononça l’abolition de la traite des nègres, en 1806, presque toutes les colonies de l’Europe étoient entre ses mains ; et, s’il pouvoit jamais être nuisible de se montrer juste, c’étoit dans cette occasion. Depuis, il est arrivé ce qui arrivera toujours ; c’est que la résolution commandée par la religion et la philosophie n’a pas eu le moindre inconvénient politique. En très-peu de temps on a suppléé par le bon traitement qui multiplie les esclaves, à la cargaison déplorable qu’on apportoit chaque année ; et la justice s’est fait place, parce que la vraie nature des choses s’accorde toujours avec elle.

Le ministère anglois, alors du parti des whigs, avoit proposé le bill pour l’abolition de la traite des Nègres ; il venoit de donner sa démission au roi, parce qu’il n’en avoit pas obtenu l’émancipation des catholiques. Mais lord Holland, le neveu de M. Fox, héritier des principes, des lumières et des amis de son oncle, se réserva l’honorable plaisir de porter encore dans la chambre des pairs la sanction du roi au décret d’abolition de la traite. M. Clarckson, l’un des hommes vertueux qui tra-