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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

toujours au-dessus des circonstances extérieures. On a dit sur le continent que la traite des Nègres avoit été supprimée en Angleterre par des calculs politiques, afin de ruiner les colonies des autres pays par cette abolition. Rien n’est plus faux sous tous les rapports ; le parlement anglois, pressé par M. Wilberforce, s’est débattu vingt ans sur cette question, dans laquelle l’humanité luttoit contre ce qui sembloit l’intérêt. Les négocians de Liverpool et des divers ports de l’Angleterre réclamoient avec véhémence pour le maintien de la traite. Les colons parloient de cette abolition, comme en France aujourd’hui de certaines gens s’expriment sur la liberté de la presse et les droits politiques. Si l’on en avoit cru les colons, il falloit être jacobin pour désirer qu’on n’achetât et ne vendît plus des hommes. Des malédictions contre la philosophie, au nom de la haute sagesse qui prétend s’élever au-dessus d’elle, en maintenant les choses comme elles sont, lors même qu’elles sont abominables ; des sarcasmes sans nombre sur la philanthropie envers les Africains, sur la fraternité avec les Nègres ; enfin, tout l’arsenal de l’intérêt personnel a été employé en Angleterre, ainsi qu’ailleurs, par les colons, par cette espèce de privilégiés qui,