Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
CONSIDÉRATIONS

Deffant, mademoiselle de l’Espinasse et plusieurs autres ont été célèbres à cause de l’agrément de leur esprit. J’ai déjà dit que l’état social en Angleterre ne permettoit guère ce genre de succès, et qu’on n’en sauroit citer d’exemples. Il existe cependant plusieurs femmes remarquables comme écrivains : miss Edgeworth, madame d’Arblay, autrefois miss Burney, madame Hannah Moore, madame Inchbald, madame Opie, mademoiselle Bayly, sont admirées en Angleterre, et lues avidement en françois ; mais elles vivent en général très-retirées, et leur influence se borne à leurs livres. Si donc on vouloit citer une femme qui réunît au suprême degré ce qui constitue la force et la beauté morale du caractère anglois, il faudroit la chercher dans l’histoire.

Lady Russel, la femme de l’illustre lord Russel qui périt sous Charles II, pour s’être opposé aux empiétemens du pouvoir royal, me paroît le vrai modèle d’une femme angloise dans toute sa perfection. Le tribunal qui jugeoit lord Russel, lui demanda quelle personne il vouloit désigner pour lui servir de secrétaire pendant son procès ; il choisit lady Russel, parce que, dit-il, elle réunit les lumières d’un homme à la tendre affection d’une épouse. Lady Russel, qui ado-