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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

son maintien devant un ministre, lorsqu’il s’agit des affaires publiques, lord Harrowby se seroit tenu pour offensé, si l’on s’étoit souvenu qu’il étoit autre que lui-même, en causant sur des questions d’un intérêt général. On ne voyoit point à sa table, ni chez les autres ministres anglois, ces sortes de flatteurs subalternes qui entourent les puissans dans les monarchies absolues. Il n’est point de classe dans laquelle on pût en trouver en Angleterre, ni d’hommes en place qui en voulussent. Lord Harrowby est remarquable comme orateur, par la pureté de son langage et par l’ironie brillante dont il sait à propos se servir. Aussi attache-t-il, avec raison, beaucoup plus de prix à sa réputation personnelle qu’à son emploi passager. Lord Harrowby, secondé par sa spirituelle compagne, offre dans sa maison le plus parfait exemple de ce que peut être une conversation tour à tour littéraire et politique, et dans laquelle ces deux sujets sont traités avec une égale aisance. Nous avons en France un grand nombre de femmes qui se sont fait un nom, seulement par le talent de causer ou d’écrire des lettres qui ressemblent à la conversation. Madame de Sévigné est la première de toutes en ce genre ; mais depuis, madame de Tencin, madame du