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CONSIDÉRATIONS

qu’ils négligent pour secourir les êtres faibles. Depuis le matelot qui dans la tempête appuie vos pas chancelans, jusqu’aux gentilshommes anglois du plus haut rang, jamais une femme ne se voit exposée à une difficulté quelconque sans être soutenue, et l’on retrouve partout ce mélange heureux qui caractérise l’Angleterre : l’austérité républicaine dans la vie domestique, et l’esprit de chevalerie dans les rapports de la société.

Une qualité non moins aimable des Anglois, c’est leur disposition à l’enthousiasme. Ce peuple ne peut rien voir de remarquable sans l’encourager par les louanges les plus flatteuses. On a donc raison d’aller en Angleterre, dans quelque situation malheureuse que l’on se trouve, si l’on possède en soi quelque chose de véritablement distingué. Mais si l’on y arrive comme la plupart des riches oisifs de l’Europe, qui voyagent pour passer un carnaval en Italie et un printemps à Londres, il n’est point de pays qui trompe davantage l’attente, et on en partira sûrement sans s’être douté que l’on a vu le plus beau modèle de l’ordre social, et le seul qui pendant long-temps a fait espérer encore en la nature humaine.

Je n’oublierai jamais la société de lord Grey,