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CONSIDÉRATIONS

l’esprit ne peut-on pas trouver dans les sociétés angloises, quand on y est heureusement placé ! La faveur et la défaveur des ministres et de la cour ne sont absolument de rien dans les rapports de la vie, et vous feriez rougir un Anglois, si vous aviez l’air de penser à la place qu’il occupe, ou au crédit dont il peut jouir. Un sentiment de fierté lui fait toujours croire que ces circonstances n’ajoutent et n’ôtent rien à son mérite personnel. Les disgrâces politiques ne peuvent influer sur les agrémens dont on jouit dans le grand monde ; le parti de l’opposition y est aussi brillant que le parti ministériel : la fortune, le rang, l’esprit, les talens, les vertus, sont partagés entre eux ; et jamais aucun des deux n’imagineroit de s’éloigner ou de se rapprocher d’une personne par ces calculs d’ambition qui ont toujours dominé en France. Quitter ses amis parce qu’ils n’ont plus de pouvoir, et s’en rapprocher parce qu’ils en ont, est un genre de tactique presque inconnu en Angleterre ; et si les succès de société ne conduisent pas aux emplois publics, au moins la liberté de la société n’est-elle pas altérée par des combinaisons étrangères aux plaisirs qu’on y peut goûter. On y trouve presque invariablement la sûreté et la vérité, qui sont la base de