Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
CONSIDÉRATIONS

croit point obligée, comme chez les François, à conduire la conversation, et surtout à prendre garde qu’elle ne languisse. On est très-résigné à ce malheur dans les sociétés angloises, et il paroît beaucoup plus facile à supporter que la nécessité de se mettre en avant pour relever l’entretien. Les femmes, à cet égard, sont d’une extrême timidité ; car, dans un état libre, les hommes reprenant leur dignité naturelle, les femmes se sentent subordonnées.

Il n’en est pas de même d’une monarchie arbitraire, telle qu’elle existoit en France. Comme il n’y avoit rien d’impossible ni de fixe, les conquêtes de la grâce étoient sans bornes, et les femmes devoient naturellement triompher dans ce genre de combat. Mais en Angleterre, quel ascendant une femme pourroit-elle exercer, quelque aimable qu’elle fût, au milieu des élections populaires, de l’éloquence du parlement et de l’inflexibilité de la loi ? Les ministres n’auroient pas l’idée qu’une femme put leur adresser une sollicitation sur quelque sujet que ce fût, à moins quelle n’eut ni frère, ni fils, ni mari, pour s’en charger. Dans le pays de la plus grande publicité, les secrets d’état sont mieux gardés que nulle part ailleurs. Il n’y a point d’intermédiaires, pour