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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

où l’on se coudoie comme au parterre : les femmes y sont en majorité, et d’ordinaire la foule est si grande, que leur beauté même n’a pas assez d’espace pour paroître : à plus forte raison n’y est-il jamais question d’aucun agrément de l’esprit. Il faut une grande force physique pour traverser les salons sans être étouffé, et pour remonter dans sa voiture sans accident : mais je ne vois pas bien qu’aucune autre supériorité soit nécessaire dans une telle cohue. Aussi les hommes sérieux renoncent-ils de très-bonne heure à la corvée qu’en Angleterre on appelle le grand monde ; et c’est, il faut le dire, la plus fastidieuse combinaison qu’on puisse former avec des élémens aussi distingués.

Ces réunions tiennent à la nécessité d’admettre un très-grand nombre de personnes dans le cercle de ses connoissances. La liste des visites que reçoit une dame angloise est quelquefois de douze cents personnes. La société françoise étoit infiniment plus exclusive : l’esprit d’aristocratie qui présidoit à la formation des cercles étoit favorable à l’élégance et à l’amusement, mais nullement d’accord avec la nature d’un état libre. Ainsi donc, en convenant avec franchise que les plaisirs de la société se rencontrent très-rarement et très--