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CONSIDÉRATIONS

le mari, lorsqu’il s’agit des torts de sa femme, afin d’examiner s’il n’a point à se reprocher de torts du même genre envers elle. En Écosse même, l’infidélité du mari dissout le mariage aussi bien que celle de la femme, et le sentiment du devoir, dans un pays libre, met toujours de niveau le fort et le faible.

Tout est constitué en Angleterre de telle manière que l’intérêt de chaque classe, de chaque sexe, de chaque individu, est de se conformer à la morale. La liberté politique est le moyen suprême de cette admirable combinaison. « Oui, dira-t-on encore, en ne comprenant que les mots et point les choses, il est vrai que les Anglois sont toujours gouvernés par l’intérêt. » Comme s’il y avoit aucun rapport entre l’intérêt qui conduit à la vertu, et celui qui fait dériver vers le vice ! Sans doute l’Angleterre n’est pas une planète à part de la nôtre, dans laquelle les avantages personnels ne soient pas, comme ailleurs, le ressort des actions humaines. On ne peut gouverner les hommes en comptant toujours sur le dévouement et le sacrifice ; mais quand l’ensemble des institutions d’un pays est tel, qu’il soit utile d’être honnête, il en résulte une certaine habitude du bien qui se grave dans tous les cœurs : elle se transmet par le souve-