Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
CONSIDÉRATIONS

c’est une grande erreur de les croire d’un caractère calme, parce qu’ils ont habituellement des manières froides. Il n’est point d’hommes plus impétueux dans les grandes choses ; mais ils ressemblent à ces chiens d’Albanie envoyés par Porus à Alexandre, qui dédaignoient de se battre contre tout autre adversaire que le lion. Les Anglois sortent de leur apparente tranquillité pour se livrer à des excès en tout genre. Ils cherchent des périls, ils veulent tenter des choses extraordinaires, et désirent des émotions fortes. L’activité de l’imagination et la gêne des habitudes les leur rendent nécessaires ; mais ces habitudes elles-mêmes sont fondées sur un grand respect pour la morale.

La liberté des journaux, qu’on a voulu nous représenter comme contraire à la délicatesse des mœurs, en est une des causes les plus efficaces : tout est si connu, si discuté en Angleterre, que la vérité en toutes choses est inévitable ; et l’on pourroit se soumettre au jugement du public anglois, comme à celui d’un ami qui entreroit dans les détails de votre vie, dans les nuances de votre caractère, pour peser chaque action ainsi que le veut l’équité, d’après la situation de chaque individu. Plus l’opinion a de puissance en Angleterre, plus il