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CONSIDÉRATIONS

il est certain toutefois que sur le continent on ne rencontre presque personne qui comprenne d’esprit et de cœur l’Angleterre. On diroit qu’il y a des vérités morales dans lesquelles il faut être né, et que le battement de cœur vous les apprend mieux que toutes les discussions théoriques. Néanmoins, pour goûter et pour pratiquer cette liberté qui réunit tous les avantages des vertus républicaines, des lumières philosophiques, des sentimens religieux et de la dignité monarchique, il faut dans le peuple beaucoup de raison, et dans les hommes de la première classe beaucoup d’études et de vertus. Les ministres anglois doivent réunir aux qualités d’un homme d’état l’art de s’exprimer avec éloquence. Il s’ensuit que la littérature et la philosophie sont beaucoup plus appréciées, parce qu’elles servent efficacement aux succès de l’ambition la plus haute. On parle sans cesse de l’empire de la richesse et du rang chez les Anglois ; il faut aussi convenir de l’admiration qu’ils accordent au vrai talent. Il est possible qu’auprès de la dernière classe de la société, la pairie et la fortune produisent plus d’effet que le nom d’un grand écrivain : cela doit être ainsi : mais, s’il s’agit des jouissances de la bonne compagnie, et par