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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

mais aussi tout le monde le respecte, s’il le mérite, parce que, ne pouvant se faire passer que pour ce qu’il est, on le considère surtout à cause de sa valeur personnelle.

« On ne fait pas la cour aux princes en Angleterre comme en France, dira-t-on ; mais on y cherche la popularité, ce qui n’altère pas moins la vérité du caractère. » Dans un pays bien organisé, tel que l’Angleterre, désirer la popularité, c’est vouloir la juste récompense de tout ce qui est bon et noble en soi-même. Il a existé de tout temps des hommes qui ont été vertueux, malgré les inconvéniens ou les périls auxquels ils s’exposoient par là ; mais, quand les institutions sociales sont combinées de manière que les intérêts particuliers et les vertus publiques soient d’accord, il ne s’ensuit pas que ces vertus n’aient d’autre base que l’intérêt personnel. Seulement elles sont plus répandues, parce qu’elles sont avantageuses, aussi bien qu’honorables.

La science de la liberté, si l’on peut s’exprimer ainsi, au point où elle est cultivée en Angleterre, suppose à elle seule un très-haut degré de lumières. Rien n’est plus simple, quand une fois vous avez adopté les principes naturels sur lesquels cette doctrine repose ; mais