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CONSIDÉRATIONS

membres de l’administration, éclairés par l’opinion et par leur propre fierté, sont d’une intégrité parfaite. Les ministres ne peuvent favoriser leurs partisans, que si ces partisans sont pourtant assez distingués pour ne pas provoquer le mécontentement du parlement. Il ne suffit pas de la faveur du maître pour rester en place, il faut aussi l’estime des représentans de la nation ; et celle-là ne peut s’obtenir que par des talens véritables. Des ministres nommés par les intrigues de cour, tels qu’on en a vu sans cesse en France, ne se soutiendroient pas vingt-quatre heures dans la chambre des communes. On auroit toisé leur médiocrité dans un instant ; on ne les verroit pas là tout poudrés, tout costumés, comme les ministres de l’ancien régime ou de la cour de Bonaparte. Ils ne seroient point entourés de courtisans, faisant auprès d’eux le métier qu’ils font eux-mêmes auprès du prince, et s’extasiant à l’envi sur la justesse de leurs idées communes, et sur la profondeur de leurs conceptions fausses. Un ministre anglois arrive seul dans l’une ou l’autre chambre, sans costume, sans marque distinctive ; aucun genre de charlatanisme ne vient à son aide ; tout le monde l’interroge et le juge ;