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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ancien esprit de résistance aux empiétemens des ministres. Étant rétablis contre le vœu de la nation, et seulement par la volonté du trône, comment s’opposeraient-ils aux rois, qui pourroient leur dire : Si nous cessons de vous soutenir, la nation, qui ne veut plus de vous, vous renversera ? Enfin, pour maintenir le système qui a le vœu public contre lui, il faut pouvoir arrêter qui l’on veut, et accorder aux ministres la faculté d’emprisonner sans jugement, et d’empêcher qu’on n’imprime une ligne pour se plaindre. L’ordre social ainsi conçu seroit le fléau du grand nombre, et la proie de quelques-uns. Henri IV en seroit aussi révolté que Franklin ; et il n’est aucun temps de l’histoire de France assez reculé pour y trouver rien de semblable à cette barbarie. Faut-il qu’à une époque où toute l’Europe semble marcher vers une amélioration graduelle, on prétende se servir de la juste horreur qu’inspirent quelques années de la révolution, pour constituer l’oppression et l’avilissement chez une nation naguère invincible ?

Tels sont les principes de gouvernement développés dans une foule d’écrits des émigrés et de leurs adhérents : ou plutôt telles sont les conséquences de cet égoïsme de corps ; car on