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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

moins d’influence, et l’esprit de liberté s’y montre, à quelques exceptions près, avec moins de vigueur.

En Irlande, l’ignorance du peuple est effrayante ; mais il faut s’en prendre, d’une part, à des préjugés superstitieux, et de l’autre, à la privation presque entière des bienfaits d’une constitution. L’Irlande n’est réunie à l’Angleterre que depuis peu d’années ; jusqu’ici elle a éprouvé tous les maux de l’arbitraire, et elle s’en est vengée souvent de la façon la plus violente. La nation étant divisée par deux religions qui forment aussi deux partis politiques, le gouvernement anglois, depuis Charles Ier, a tout accordé aux protestans, afin qu’ils pussent maintenir dans la soumission la majorité catholique. Swift, Irlandais, et l’un des plus beaux génies des trois royaumes[1], écrivit, en 1740, sur le malheureux état de l’Irlande.

  1. On raconte que Swift sentit d’avance que ses facultés l’abandonnaient, et que, se promenant un jour avec un de ses amis, il vit un chêne dont la tête étoit desséchée, quoique le tronc et les racines fussent encore dans toute leur vigueur : C’est ainsi que je serai, dit-il ; et sa triste prédiction fut accomplie. Lorsqu’il étoit tombé dans un tel état de stupeur que, depuis une année, il n’avoit pas prononcé un seul mot, tout à coup il entendit les cloches de Saint-Pa-