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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

peut y être considérée comme la conscience de l’état.

Si quelque chose peut séduire l’équité du peuple anglois, c’est le malheur. Un individu persécuté par une force quelconque pourroit inspirer un intérêt non mérité, et par conséquent passager ; mais cette noble erreur tient d’une part à la générosité du caractère anglois, et de l’autre à ce sentiment de liberté qui fait éprouver à tous le besoin de se défendre mutuellement contre l’oppression ; car c’est sous ce rapport surtout qu’en politique il faut traiter son prochain comme soi-même.

Les lumières et l’énergie de l’esprit public sont une réponse plus que suffisante aux argumens des personnes qui prétendent que l’armée envahiroit la liberté de l’Angleterre, si l’Angleterre étoit une puissance continentale. Sans doute, c’est un avantage pour les Anglois que leur force consiste plutôt dans la marine que dans les troupes de terre. Il faut plus de connaissances pour être un capitaine de vaisseau qu’un colonel, et toutes les habitudes qu’on prend sur mer ne portent point à vouloir se mêler des affaires intérieures de son pays. Mais quand la nature, devenue prodigue, feroit naître dix lords Wellington ; mais quand le monde