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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

quels il peut faire mille sortes de biens, mais sur lesquels il ne sauroit exercer aucun pouvoir arbitraire. L’autorité de la loi domine sur toutes les puissances de l’état en Angleterre, comme la destinée de l’ancienne mythologie sur l’autorité des dieux mêmes.

Au miracle politique du respect pour les droits de chacun, fondé sur le sentiment de la justice, il faut ajouter la réunion habile autant qu’heureuse de l’égalité devant la loi, avec les avantages attachés à la séparation des rangs. Chacun y a besoin des autres pour ses jouissances, et cependant chacun y est indépendant de tous par ses droits. Ce tiers état, qui a si prodigieusement grandi en France et dans le reste de l’Europe, ce tiers état dont l’accroissement oblige à des changemens successifs dans toutes les vieilles institutions, est réuni à la noblesse en Angleterre, parce que la noblesse elle-même est identifiée avec la nation. Un grand nombre de pairs doivent originairement leur dignité à la jurisprudence, quelques-uns au commerce, d’autres à la carrière des armes, d’autres à celle de l’éloquence politique ; il n’y a pas une vertu, pas un talent qui ne soit à sa place, ou qui ne doive se flatter d’y arriver ; et tout contribue dans l’édifice social à la gloire