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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

seroient tentés, je crois, de supprimer le mot de nation de la langue, comme un terme révolutionnaire. Ne vaudroit-il pas mieux, même comme calcul, se rapprocher franchement de tous les principes qui sont d’accord avec la dignité de l’homme ? Quels prosélytes peuvent-ils gagner avec cette doctrine ab irato, sans autre base que l’intérêt personnel ? Ils veulent un roi absolu, une religion exclusive et des prêtres intolérans, une noblesse de cour, fondée sur la généalogie, un tiers état affranchi de temps en temps par des lettres de noblesse, un peuple ignorant et sans aucun droit, une armée purement machine, des ministres sans responsabilité, point de liberté de la presse, point de jurés, point de liberté civile, mais des espions de police, et des journaux à gages, pour vanter cette œuvre de ténèbres. Ils veulent un roi dont l’autorité soit sans bornes, pour qu’il puisse leur rendre tous les priviléges qu’ils ont perdus, et que jamais les députés de la nation, quels qu’ils soient, ne consentiroient à restituer. Ils veulent que la religion catholique soit seule permise dans l’état : les uns, parce qu’ils se flattent de recouvrer ainsi les biens de l’Église ; les autres, parce qu’ils espèrent trouver dans certains ordres religieux des auxiliaires