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CONSIDÉRATIONS

pendant le règne de Louis XV, peut-on citer un homme public qui mérite un nom dans l’histoire ? Quelles intrigues de cour ont occupé les grands seigneurs ! et dans quel état d’ignorance et de frivolité la révolution n’a-t-elle pas trouvé la plupart d’entre eux ?

J’ai parlé de l’émigration, de ses motifs et de ses conséquences. Parmi les gentilshommes qui embrassèrent ce parti, quelques-uns sont restés constamment hors de France, et ont suivi la famille royale avec une fidélité digne d’éloges. Le plus grand nombre est rentré sous Bonaparte, et beaucoup d’entre eux se sont confirmés à son école dans la doctrine de l’obéissance passive, dont ils ont fait l’essai le plus scrupuleux avec celui qu’ils devoient considérer comme un usurpateur. Que les émigrés puissent être justement aigris par la vente de leurs biens, je le conçois ; cette confiscation est infiniment moins justifiable que la vente très-légale des biens ecclésiastiques. Mais faut-il faire porter ce ressentiment, d’ailleurs fort naturel, sur tout le bon sens dont l’espèce humaine est en possession dans ce monde ? On diroit que les progrès du siècle, et l’exemple de l’Angleterre, et la connaissance même de l’état actuel de la France, sont si loin de leur esprit, qu’ils