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CONSIDÉRATIONS

c’est précisément quand ce délit est de nature à exciter fortement les passions, que l’on a plus besoin de recourir, pour le juger, à l’impassibilité de la justice.

Les Anglois avoient été tourmentés comme les François, comme tous les peuples de l’Europe où l’empire de la loi n’est pas établi, par la chambre étoilée, par des commissions extraordinaires, par l’extension du crime de haute trahison à tout ce qui déplaisoit aux possesseurs du pouvoir. Mais, depuis que la liberté s’est consolidée en Angleterre, non-seulement un individu accusé d’un crime d’état, n’a jamais à craindre d’être détourné de ses juges naturels : qui pourroit admettre une telle pensée ? mais la loi lui donne plus de moyens de défense qu’à tout autre, parce qu’il a plus d’ennemis. Une circonstance récente fera sentir la beauté de ce respect des Anglois pour la justice ; l’un des traits les plus admirables de leur admirable gouvernement.

On a attenté trois fois pendant son règne à la vie du roi d’Angleterre ; et certes elle étoit très-chère à ses sujets. La vénération qu’il inspire, dans son état actuel de maladie, a quelque chose de touchant et de délicat, dont on n’auroit jamais pu croire capable une nation tout en-