Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

considérer comme les égaux de la noblesse d’épée. En Angleterre, les rangs et l’égalité sont combinés de la manière la plus favorable à la prospérité de l’état, et le bonheur de la nation est le but de toutes les distinctions sociales. Là, comme ailleurs, les noms historiques inspirent le respect que l’imagination reconnoissante ne sauroit leur refuser : mais les titres restant les mêmes, tout en passant d’une famille à l’autre, il en résulte dans l’esprit du peuple une ignorance salutaire qui lui fait accorder les mêmes égards aux mêmes titres, quel que soit le nom patronymique auquel ils sont attachés. Le grand Marlborough s’appeloit Churchill, et n’étoit sûrement pas d’une aussi noble origine que l’antique maison de Spencer dont est le duc de Marlborough actuel ; mais, sans parler de la mémoire d’un grand homme, qui auroit suffi pour honorer ses descendans, les gens du monde savent seuls que le duc de Marlborough de nos jours est d’une beaucoup plus grande naissance que le fameux général, et sa considération dans la masse de la nation ne gagne ni ne perd rien à cela. Le duc de Northumberland, au contraire, ne descend que par les femmes du célèbre Percy Hotspur, et cependant tout le monde le con-